Il y a du pour ET il y a du contre, c’est comme ça que la vie est belle. Gérard et Marie-Ange en sont convaincus.
Le Bisou
Oh que OUI je suis pour les bisous ! J’aime ça ! Enfin un doux contact de peau à peau ! Lorsqu’on rencontre quelqu’un, c’est comme sceller cette rencontre. C’est un doux tutoiement qui fait remonter ce plaisir de bébé, d’enfant qui a absolument besoin d’être touché, embrassé pour se sentir exister avec intérêt et amour. Aussi, quand à la place des lèvres de l’autre nous n’avons que l’os de sa joue, la rencontre perd de sa saveur. Elle devient obligation, convention. Cette façon de faire coupe l’élan d’affection. « Tant pis ! dit le dépit, je remets mon bisou dans ma poche ! » Les bisous sont nécessaires, ils font oublier la cruauté des Êtres Humains qui, ainsi, montrent qu’ils sont aussi bons et tendres… Hum, hum !... Il faut le croire… « Moi, en tous cas, en tant que bisou, claironne le bisou, j’ai plaisir à claquer sur les joues. Toutes les joues. Ça me fait rire, ça me fait du bien. J’exulte la vie, le plaisir ! Et si, par bonheur les bras vont avec moi, alors-là, c’est l’extase, le cocon, le câlin. C’est trop bon, trop chaud ! Quand je dis « trop », c’est pour être à la mode car, en réalité, ce n’est pas trop. Et pour vous dire… lorsque je suis en forme, c’est-à-dire plein d’amour, je peux même être déposé sur les joues d’une personne malade ! Oui, oui, j’immunise la personne qui me donne !... C’est vrai !... Enfin… sauf si la personne qui me reçoit a une très grosse grippe à virus agrippant ! Dans ce cas-là, je reste sagement sur les lèvres et je retiens mon élan spontané de tendresse. Je sais quand même me tenir ! »
Marie-Ange
NON, la bise, et son sinistre complice le bisou sont mes ennemis personnels, autant que vous le sachiez. Ils sont, à eux deux, la mauvaise herbe qui a envahi le champ des baisers, dont ils ont génétiquement modifié le principe essentiel : servir de signal de départ à l’amour. Autant le baiser (ce point sur l’i du verbe aimer, comme disait Cyrano), contient, sur sa toute petite surface, la totalité d’un développement
amoureux à venir, autant la bise (le bisou) ne sont que de désolants simulacres, réduisant « l’acte » à une représentation grimaçante, faciale, sociale. Bisébisous, je vous hais ! En ce que vous avilissez l’une des plus belles manifestations du préliminaire amoureux, je veux parler du premier corps à corps : ma peau contre ta peau. Car embrasser, c’est déjà posséder, dire oui à la suite, déshabiller l’autre, élever provisoirement les lèvres d’en haut à la fonction érotique de celles d’en bas. La bise, décidément, est à l’amour ce que le Karaoké est à la musique, le cyclorameur à la Porsche, le procès-verbal à la poésie élégiaque, la tache de gras à la peinture impressionniste, Sarkozy à la fonction présidentielle, le ver luisant à l’étoile, bref, une imposture criminelle, une copie taïwanaise, une faute de goût ouvrant la porte à d’écoeurants contacts avec des vieilles tantes poilues, des adolescents acnéiques, des fonds de teint à consommer jusqu’au, des pommettes saillantes comme des bunkers, voire des restes du repas de midi. Pire, mille fois pire, la bise, c’est aussi, hélas, l’occasion furtive, perdue d’avance, frustrante, d’un contact trop proche, trop court, avec un visage qu’on aimerait contempler plus longtemps, une peau qu’on souhaiterait caresser, une bouche – si proche, si lointaine – sur laquelle on voudrait pouvoir se poser. A bas la bise, cette vieille baveuse hypocrite, indifférente et pressée, et vive le baiser !
Gérard