A vue d’œil, à vol d’oiseau, à portée de Mobylette : c’est bon la vie tous ensemble, bien serrés les uns contre les autres, dans le Clunysois.
Stabul’ nights
23 heures et quelques… On s’est tous levé, on a récupéré nos manteaux (ça gèle ? tu parles !), échangé les bises et les mercis. Dans la cour, les moteurs tournent. Salut, c’était bien, la prochaine fois c’est nous, à plus !
Pour le maître de maison, c’est le moment d’enfiler le bonnet et d’aller faire un tour à la stabul’. On lui file le train, pour voir. Sur le petit chemin qui mène au grand hangar, il fait tout noir. Tant qu’à faire, autant lever le nez et regarder les étoiles. Elle est où la Polaire ? Derrière nous, il y a deux des enfants, et derrière eux, le chien. Il se pourrait bien qu’il dorme avec les vaches, celui là. Il le fait souvent, d’ailleurs, il a son coin et sa couverture, là bas. Il y va quand ça lui chante.
On entre. Je dis : allume pas, tu vas les réveiller. Il rigole, le Gaëtan ! Elles sont toutes là. 200 bêtes, sous l’éclairage un peu irréel des gros néons. Mi-jour, mi-nuit. Mi-couchées, mi-debout, celles qui nous regardent, celles qui approchent, dans l’espoir d’un petit rab de foin, celles qui dorment. Il y a les veaux, qui font l’aller-retour entre leurs mères et le petit coin tranquille où ils se rassemblent, peinards, à
l’écart des adultes. Des ados, quoi.
Partout, on repère les années de naissance : 2008, 2007,… ; 8, 7…, c’est le premier chiffre à gauche, sur la grosse boucle d’oreille jaune, réglementaire. Traçabilité, qu’ils disent. Ca sent bon, ça sent le vivant, ça fait du bien au moral. Je ferme un instant les yeux. J’écoute. Les souffles, le bruit du foin qu’elles écrasent, le klang métallique des systèmes d’accès aux mangeoires, qu’elles manœuvrent d’un coup de tête impatient.
Il les connaît, toutes. Il les regarde, rapidement. Il est concentré, sérieux. Il est avec elles. Ce soir, il vérifie qu’il va pouvoir dormir. Parce qu’en ce moment, il doit souvent sauter du lit, une fois, deux fois, chaque nuit, pour un xième vêlage. C’est sa vie, c’est l’époque. Il sait seulement que lorsqu’il doit se lever, comme ça, en pleine nuit, il ne pourra pas se rendormir facilement. Qu’il y a la télé, à quatre heures
du mat’, sur l’écran géant du salon. Que sa place, à côté de Sylvie, se refroidit, et qu’à l’étage, les enfants dorment.
Allez, salut Gaëtan, merci pour la visite.
Bonne nuit, les enfants.
Et le chien ? Il est où, le chien ?
T’inquiètes !